Vocation : auteur - Entretien avec Juline Anquetin Rault

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Episode 5 : entretien avec Juline Anquetin Rault pour Vocation : auteur

Dans ce cinquième épisode du podcast Vocation : auteur, Pascale Joly rencontre Juline Anquetin Rault, professeure d’histoire-géographie en CFA. Animée par une vraie passion pour l’enseignement, elle nous parle de son cheminement, qui l’a amenée à créer la classe autonome. 

La transmission est au cœur de l’enseignement. Tous les enseignants sont animés par cette volonté de transmettre des connaissances, des compétences et des valeurs : c’est ce qui caractérise leur vocation. Mais l’enseignant ne transmet-il qu’un savoir ? Dans quelle mesure sa posture joue-t-elle un rôle dans la réception de ce savoir par les élèves ? 
 
Juline Anquetin Rault est professeure d'histoire-géographie dans le centre de formation d'apprentis Simone Veil à Rouen et directrice de Classe Autonome Rouen, une agence de soutien scolaire qu'elle a fondée en 2019. Elle est aussi l'auteure chez Hachette Technique d'un nouveau concept de matériel pédagogique innovant conçu pour les élèves de CAP et permettant d'apprendre autrement. Au cours de son entretien pour Vocation : Auteur, elle évoque son parcours, puis ce qui l'a conduit à développer cette nouvelle forme d'enseignement. 
 

 
Le cinquième épisode est aussi disponible sur différentes plateformes d’écoute en streaming.

Pascale Joly : Pour introduire ce podcast, je t'ai demandé de choisir un extrait musical : tu as choisi la chanson de Phil Collins « Je veux savoir » (éditée par Walt Disney Records). Peux-tu me dire pour quelle raison ? 

Juline Anquetin Rault : C'est une chanson qui parle de transmission, de quelqu'un qui a un savoir et qui va le transmettre à quelqu'un qui n'en avait pas. Il y a une phrase que j'aime beaucoup dans cette chanson qui est « montre-les-moi, ces étrangers qui seraient faits comme moi » : je trouve que ça résume très bien l'histoire géographie où l’on étudie - soit dans le temps, soit dans l'espace - des civilisations autres que la nôtre. Et pourtant ce sont des humains qui sont faits comme nous… j'aime beaucoup cette chanson. 

PJ : Tu es enseignante depuis 14 ans et tu as également créé une agence de soutien scolaire, la Classe Autonome : qu'est-ce qui a suscité chez toi cette vocation d'enseignante ? Et avant cela, peut-être, est-ce que tu peux nous dire un peu quelle élève tu étais ? 

JAR : J’étais une très très bonne élève, voire une trop bonne élève. Je pense que parfois, je devais agacer mes enseignants. J'étais une très bonne élève parce que j'avais cette soif d'apprendre. Je voulais toujours apprendre, toujours créer, toujours faire de nouvelles choses… et je ne supportais pas les vacances. Je finissais mon cahier de vacances le 2 juillet, j'entamais celui de mon frère et je me faisais alors disputer. J'étais donc une très bonne élève - à part peut-être l'anglais qui a un peu péché pour moi. C'est d’ailleurs une bonne expérience parce que cela m’a permis de savoir ce que ça fait quand on n’y arrive pas, quand on a envie de lâcher, quand c'est difficile. C’est quelque chose que je retrouve beaucoup chez mes élèves, donc heureusement que je n’ai pas eu qu’une très bonne expérience de l'école. 

PJ : Tu étais une ado également très inventive, si je me souviens bien ? 

JAR : Oui, j’étais créative, mais en fait, je me sentais en décalage par rapport aux adolescents de mon âge. Moi j'étais passionnée par Louis XIV, par la Révolution française… À 14 ans, j'ai reçu à Noël l'Encyclopédie de la Révolution française alors que les autres avaient des Play Station ! J'étais vraiment en décalage et quand il y avait 2 mois de vacances, je m'ennuyais profondément. Alors, je créais beaucoup de choses. J'ai créé un collège fictif, j'ai créé toutes les classes, les emplois du temps, les professeurs, les noms des élèves, les matières, etc. 
PJ : Tu étais prédestinée ! 
JAR : C'est amusant quand j'y repense, car aujourd'hui, ce serait extraordinaire, ce serait mon rêve de monter une école ! Alors oui, un après-midi, ma mère m'a retrouvée allongée sur le sol de ma chambre en train de faire la généalogie de Louis XIV : j’avais collé des feuilles A3 ensemble pour faire un arbre généalogique des cousins, de la famille de Condé, de Conti, etc. Parce que c'était ma passion : j'adorais l'histoire. C’est amusant parce qu’aujourd'hui, j'ai une passion pour les adolescents alors que pour moi, ça a été une période que je n’ai pas particulièrement aimée. Et aujourd'hui, c’est ce qui me passionne, donc c'est assez drôle, assez paradoxal. 

PJ : Tu disais avoir une passion pour l'histoire, donc quand tu es rentrée à l'université, tu as fait une fac d'histoire : est-ce que tu peux nous en dire un petit peu plus sur la suite ?  

JAR : Je suis passionnée d'histoire depuis que je suis toute petite - depuis que mes parents m'ont emmenée au Château de Versailles à 4 ans. J'ai été fascinée par la grandeur, le grandiloquent de cet espace, de ces jardins, j'avais l'impression que cela s’étendait à l'infini. Surtout qu’à 4 ans, j'étais vraiment petite en taille et donc j'avais vraiment cette sensation d'immensité.  
Je suis rentrée à l'université d'histoire de Nanterre et j'ai adoré ça, j'ai adoré les 8 années que j'y ai passé. J'ai beaucoup aimé, et je pensais vouloir devenir maître de conférences et enseignant-chercheur, mais en commençant à faire de la recherche, je me suis rendu compte que ce n’était pas ce qui m’épanouissait. Je trouvais que le monde de la recherche était très solitaire - il y a certaines normes à respecter. Sous prétexte d'être très sérieux, on ne peut pas forcément… ne serait-ce que mettre de la couleur. J'avais écrit mon mémoire et j'y avais mis de la couleur car cela me paraissait logique, beaucoup plus pédagogique et beaucoup plus facile à comprendre. On me disait non, qu’il fallait écrire en noir et blanc. J’ai laissé tomber la Recherche et j'ai décidé de passer le CAPES et l'agrégation la même année – c’était possible à l’époque – pour aller enseigner en collège et en lycée. Malheureusement ou heureusement pour moi je n'ai pas été reçue, j'ai échoué au CAPES et à l'agrégation de quelques points et finalement cela a été la chance de ma vie. 

PJ : Peux-tu nous dire ce qui te plaît aujourd'hui dans ce métier d'enseignante ? 

JAR : Tout, absolument tout me plaît, même corriger des copies. Surtout depuis que je fais des corrections vocales, j'adore ça, c'est super fun à faire. J'aime tout, j'aime tout parce que j'ai cru que je ne pourrais pas le faire. Donc, en fait même corriger des copies aujourd'hui, ça me plaît ! Je me souviens quand j'ai passé le CAPES pour la seconde fois, j'étais en stage dans un collège et j'entendais les professeurs se plaindre : il y a la réunion parents-profs ce soir, il y a tant de copies à corriger… moi j'étais à côté, et je me disais mais bon sang moi je rêve d'être à votre place ! Tu vois, ça m'émeut même encore aujourd’hui.  

PJ : Tu as réalisé un rêve en quelque sorte... Tu as ainsi mis en place une pédagogie qui s'appelle la pédagogie de la classe autonome, qui s'adapte à chacun de tes élèves. Est-ce que tu peux m'expliquer un petit peu en quoi consiste cette pédagogie et comment, progressivement, tu y es arrivée ? Parce qu'elle est issue de plein de courants différents. Qu'est-ce qui t'a inspiré aussi pour mettre en place cette classe autonome ? 

JAR : Ce qui m'a inspiré, c'est qu'un jour, je me suis posée et je me suis demandé pourquoi mes élèves en soutien scolaire progressaient bien plus vite que mes élèves en classe, alors que c'était en classe que je mettais le plus d'énergie, que ça me prenait le plus de temps de créer ? C'était vraiment là que je m'investissais le plus, et les résultats n’étaient pas à la hauteur de l'investissement. Je me suis demandé pourquoi : je suis le même professeur, j'enseigne de la même façon… Et en le disant à voix haute, je me suis dit qu’en fait je ne suis pas du tout le même professeur. Dans mes classes j'enseigne, je fais des cours magistraux devant mes élèves en professeur ex cathedra. En soutien scolaire, je ne peux pas faire ça parce que je reçois plusieurs élèves en même temps qui font des matières différentes, diverses et variées : des maths, de la philo, du français, des langues et je prépare le matériel en amont pour qu'ils puissent travailler. C’est ainsi que je me suis dit qu’il fallait absolument que j'arrive à faire cela, mais dans des classes de 30. J'ai alors cherché sur Internet comment faire, comment je pourrais mettre cela en place dans une classe de 30 boulangers. Je suis tombée sur les vidéos de Céline Alvarez, celles sur Maria Montessori, Célestin Freinet et... ça m'a fascinée. Je me suis dit : mais où étaient ces gens-là lorsque que je passais le CAPES ? Pourquoi n’ai-je jamais entendu parler d’eux - ou alors juste de nom mais sans savoir ce qu'ils faisaient, ce qui était dans leur pédagogie ? Cela m'a fascinée. Je me suis demandé si l’on pouvait les adapter pour des adolescents, parce que ce sont des pédagogies vraiment pour les tout-petits et pour la Primaire. J'ai créé la classe autonome en mélangeant toutes ces pédagogies, en écrivant mon cahier des charges et donc ma classe autonome mélange tout cela. Il y a toujours du cours magistral parce que c'est important pour certaines choses, cela représente 20 - 25% du temps. Ensuite, il y a un temps de vérification, 15% du temps pour ancrer la connaissance. Et puis 50% du temps, c'est de l'autonomie, d'où le nom. Les élèves de la classe ont un plan de travail et ils ont des ateliers à faire. Ils les font dans l'ordre qu’ils veulent autant de fois qu'ils veulent, avec qui ils veulent, ils peuvent les reposer, les refaire plus tard, ils ont cette liberté… et le matériel devient l'enseignant. Ils travaillent sur différents supports : cela peut être du numérique, de la manipulation... Il y a de tout, d’anciennes méthodes et des nouvelles, tout cela est mélangé et ça fonctionne.  

PJ : J’avais une autre question : quelles sont tes principales victoires ? Est-ce que tu peux me citer des exemples ? 

JAR : Des victoires, j'en ai tous les jours. La principale c'est de voir tous mes élèves se mettre au travail au quotidien sur l'histoire-géographie alors que je suis dans un CFA. J'ai des apprentis qui sont là pour être boulanger, boucher, pâtissier, chocolatier… ils n’aiment pas l'histoire-géographie, ils ne sont pas là pour cette matière. Ce sont des élèves qui ont souvent un passif très complexe avec l'école. Les voir venir travailler pendant 1h30, les entendre râler à la fin du cours parce qu’il est fini, c'est assez extraordinaire. Les voir venir avec le sourire, être content d'apprendre, se rendre compte qu’ils apprennent des choses vraiment pointues, ça c'est une victoire quotidienne. Une victoire, c'est l'élève qui vient me voir un jour et qui me dit « Merci, Madame, grâce à vous, j'ai pu expliquer la politique à mes parents ». C'est l'élève qui me remercie quand on a fait un cours sur la religion parce que ça lui a ouvert les yeux sur beaucoup de choses. C'est l'élève qui va avec son tableau des partis politiques dans l'isoloir pour voter en 2017 et qui me raconte ça le lendemain… et je trouve ça extraordinaire. Ce sont ces jeunes-là qui nous sont reconnaissants de leur avoir apporté quelque chose de vraiment très concret et c'est pour cela que, pour moi, l'enseignement moral et civique est très important. J'y passe beaucoup de temps parce que c'est ce qui va leur servir, là immédiatement pour les élections, pour voter, pour comprendre les religions, la laïcité, la discrimination, la liberté et la sexualité. 

PJ : Ces pratiques très innovantes t’on conduite à proposer à Hachette un nouveau concept de matériel pédagogique à destination des élèves d'histoire Géo en CAP. Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus ? En quoi consiste ce matériel ? 

JAR : Il s’agit effectivement d’une boîte de matériel qui va s'appeler la Classe Autonome dans lequel on a tout simplement mis tout ce que j'ai créé pendant 2 ans. C'est-à-dire qu’il y a tout le programme d'Histoire et de Géographie de CAP version classe autonome. Il y a tout le matériel que j'utilise : les flashcards, les ateliers planches effaçables, les ateliers avec des petits drapeaux à replanter, Les ateliers vidéo… tout sera dans cette boîte. Cela fait 56 ateliers au total qui couvrent les 4 chapitres, et c'est exactement ce que j’utilise en classe, donc c'est testé et approuvé. Cela fait 4 ans que j'utilise ce matériel dans les 6 classes de CAP auprès desquelles j'enseigne, donc j'ai hâte d’avoir la boîte dans les mains !  

PJ : Et est-ce qu'il y a un accompagnement pour l'enseignant ? Pour expliquer la pédagogie ?

JAR : Bien sûr, nous n’avons pas simplement mis tout le matériel de la classe autonome sans guider l’enseignant, il y a un livret pédagogique dans lequel est expliqué comment fonctionne la classe autonome. On fait un exemple de chapitre clé en main, détaillant comment fonctionnerait le matériel si on prenait ce chapitre et il y a des petites vidéos pour expliquer la démarche et toute la logistique à mettre en place – parce qu’il ne faut pas se mentir, c'est une façon autre d'enseigner. Le contenu des ateliers n’est certes pas si révolutionnaire que ça, c'est ce que ferait un professeur lambda en cours, mais au lieu de le faire devant sa classe en un temps donné, il laisse faire ses élèves. Les élèves apprennent en faisant, encore une fois le matériel devient l’enseignant. Il y aura donc bien un livret pédagogique qui donnera les clés pour bien démarrer avec cette méthode pour que ce soit le plus efficace possible. Une boîte de matériel donnée seule finirait dans un placard – et ça serait triste, n’est-ce pas ?

PJ : Pour conclure, finalement, qu'est-ce que tu as le plus à cœur de transmettre à tes élèves ? Les clés à leur transmettre pour leur vie ? 

JAR : Ce qui me tient à cœur de leur transmettre, ce sont des savoirs être et ce sont des qualités de vie, c'est à dire l'optimisme, la curiosité. Ce que je dis toujours, c’est que les connaissances sont partout sur Internet aujourd'hui, donc ils n’ont pas besoin de moi pour comprendre la 2nde Guerre mondiale. En revanche, ils ont peut-être besoin de moi pour leur apprendre l'esprit critique, pour leur donner l'envie, la curiosité, pour leur donner cette conscience qu’ils vivent dans un monde complexe. Et moi, c'est ça que j'ai envie de leur transmettre. C'est pour ça que je pense que la posture de l'enseignant est très importante, et elle est parfois plus importante que le socle de connaissances classiques qu'on peut recevoir des professeurs qui sont très érudits et qui n’arrivent pas à transmettre. Je veux leur transmettre la curiosité, la curiosité d'aller chercher. J'ai un exemple : une fois avec mes élèves, nous étions partis sur l'histoire de l'Homme au Masque de Fer. Ils m’ont dit : « Madame, c'est quoi cette histoire ? » Moi, je suis passionnée, en plus de ça depuis que je suis adolescente – encore un truc bizarre – et j'ai tout lu sur le Masque de Fer depuis que j'ai 15 ans donc je leur explique, je leur dis que c'est une énigme de l'histoire, etc. Je les regarde : c'est une classe de CAP boucher et je les vois scotchés, ils buvaient mes paroles. Je me dis « waouh, incroyable !» Il y en a un qui me regarde et qui me dit : « Madame, venez, on arrête le programme. On cherche qui c'est ? » Je leur avais donné envie d'être historien en 10 Min, et c'est la posture qui fait ça, c'est vraiment, je pense, la passion que j'y ai mise parce que je suis spécialiste – non, enfin, je connais très bien la question. Bien sûr, la connaissance est importante mais je pense que c'est la passion transmise qui a fait qu’ils se sont dit « c'est incroyable cette histoire ! »  
On a tort de dire parfois que les jeunes aujourd'hui ne sont pas intéressés ; Ce n’est pas vrai. Moi, j'ai réussi à faire étudier Racine à des élèves de CAP, à leur faire pratiquer de la philosophie, à leur faire aimer le XVIIe siècle… C’est la façon dont on va leur faire apprendre et l'approche qu'on va avoir, c'est ce qui va tout changer et c'est ça la pédagogie : c'est trouver comment faire face à mes élèves, quel biais j'utilise. C'est ça qui me passionne, c'est la pédagogie.  

PJ : Quel est ton livre préféré, si tu devais n'en retenir qu'un, et pour quelle raison ?

JAR : Les Vertus de l'Echec de Charles Pépin. C'est magnifique, c'est à mettre entre toutes les mains. Ce livre, c'est un tout petit livre, il n’est pas très long à lire. Moi, je l'offre à tout le monde, et c’est un très bon ami qui me l'a offert parce qu'il avait vu écrit « l'échec est le meilleur des maîtres » dans mes salles de classe. Il a trouvé ce livre et il m'a dit : « C'est génial, c'est pour toi ! » Donc j'ai lu ce livre avec passion, j'ai même écrit à l'auteur à la fin du livre en disant à quel point il m'avait touché. Il montre l'importance de l'échec, c'est de dire qu’il rappelle que l'échec, c'est la manière humaine d'apprendre. C'est parce qu'on se trompe qu'on apprend, on a appris à marcher en tombant, on a appris que le feu brûle en se brûlant. Donc il faut qu'on se trompe et en se trompant, notre cerveau comprend le message d'erreur, rectifie, et c'est comme ça qu'on apprend. C'est comme ça qu'on fait des découvertes. Dans ce livre, l’auteur parle de Thomas Edison qui a testé des milliers de façons de faire une ampoule. A chaque fois qu’il échouait et qu’on lui disait d’arrêter, il répondait qu’il avait trouvé une façon de ne pas faire une ampoule pour finalement trouver la solution. Chaque échec lui permettait de réajuster pour trouver le moment où ça allait fonctionner et faire une ampoule. C’est JK Rowling qui écrit et envoie son manuscrit à 12 éditeurs en Angleterre et tout le monde lui dit non. Et puis à la fin, le voilà, le 12e, il dit moi je le vends ça, je vais l'éditer, je vais le publier. C'est incroyable et c'est un peu mon histoire : on échoue,mais on ne lâche pas. Je voulais être professeur donc il n’y avait pas moyen que je lâche. 

PJ : Tu as eu bien raison de ne pas lâcher. Et si tu devais aussi nous donner ta citation préférée, qu'elle serait-elle ? 

JAR : J'ai beaucoup de citations, j’en ai au-dessus de mon tableau, dans ma salle de classe et j'en ai dans mon agence de soutien scolaire aussi. J'aime beaucoup, et il y en a une que j'aime particulièrement, c'est « Ce ne sont pas nos capacités qui font ce que nous sommes, ce sont nos choix » et c'est de JK Rowling justement. C'est Harry Potter mais ça pourrait être Jean-Paul Sartre, c'est totalement l'existentialisme. L'existence précède l'essence, c'est cette idée que ce n'est pas la situation dans laquelle on est née au départ, ni les cartes qu'on avait en main au départ qui vont faire ce que nous sommes, ce sont vraiment nos choix et je trouve ça parfait pour les élèves que j'ai en face de moi. C'est leur dire : « Tu es peut-être parti du mauvais pied. Tu n’as peut-être pas toutes les cartes en main. C'est peut-être difficile. Peut-être que tu penses que tu n'es pas bon dans cette matière. Mais ce qui va tout déterminer, ce sont tes choix » et ça empêche d'être une victime. C'est un message d'optimisme qui pousse à prendre sa vie en main et empêche de dire : « Mais ce n’est pas ma faute, j'ai toujours été nul(le) en maths » … Faux ! Le cerveau a une plasticité incroyable, tout le monde peut progresser et ça, c'est mon travail de tous les jours, de venir aider des élèves qui ont été brisés par un système et qui pensent qu'ils ne sont pas bons, qui pensent être nuls en maths à vie, alors que non. On le sait aujourd'hui, qu'il y a une vraie plasticité cérébrale. J’ai aidé des élèves multi DYS, des élèves dyscalculiques juste avec des couleurs, en découpant des chiffres, en leur faisant manipuler et ça tout de suite ça éclairait tout pour eux. Donc encore une fois c'est de la pédagogie, c'est trouver pour cet élève là ce qui va fonctionner. Et ça, c'est passionnant, cette idée d'être responsable de sa vie et de ses choix. Je trouve ça très encourageant. Et encore une fois la posture de l'enseignant est très importante : quand il rentre dans la salle de classe, qu'il a le sourire, qu'il a envie d'être là pour ses élèves et qu'il est cohérent dans ce qu'il dit. Cela correspond à une deuxième citation que j'aime beaucoup de Jean Jaurès qui dit : « On n'enseigne pas ce qu'on sait, on enseigne ce qu'on est et on ne peut enseigner que ce qu'on est » et c'est exactement ça. Moi, mes élèves, je pense que ce qu'ils apprécient aussi, c'est la personne derrière. 
PJ : Ce que tu es. 
JAR : Oui, mais ça même fait douter de ma méthode, lorsqu’un ami m'a dit « Est-ce que tu es sûre que c'est ta méthode qui fonctionne ou c'est toi ? » 
PJ : C’est les deux. 
JAR : C'est la méthode. Aujourd’hui, je sais que c'est la méthode parce que j'ai formé beaucoup de professeurs à la classe autonome en Belgique, en Luxembourg, en Suisse, en Espagne, en France, dans des lycées, dans des collèges, des lycées agricoles, dans le supérieur et ça fonctionne, ça fonctionne sur toutes matières. Quand un professeur est motivé qu'il veut la mettre en place, cela fonctionne très bien, il faut que le professeur en face ait la bonne posture. Donc on enseigne effectivement ce qu'on est. 

PJ : Merci Juline. Merci pour ce message positif et à très bientôt.

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