Objectif neuro-éducation !

neuro-éducation

Svetlana Meyer, docteure en sciences cognitives et responsable scientifique de Didask, répond à vos questions sur la neuro-éducation !

Spécialiste de l’apprentissage et de l’efficacité pédagogique, elle apporte son expertise sur l’impact des neurosciences cognitives dans l’éducation, en s’appuyant sur ses recherches sur l’apprentissage de la lecture et l’optimisation des contenus de formation.

Qu'est-ce que les sciences cognitives ?

"Les sciences cognitives s’intéressent aux grandes fonctions du raisonnement : perception, attention, mémorisation, apprentissage, etc. Plusieurs disciplines sont impliquées, dont les neurosciences (étude de l’anatomie et du fonctionnement du cerveau) et la psychologie expérimentale (étude du comportement des êtres humains dans des situations données). Ces deux domaines sont les plus intéressants pour les enseignant.e.s car elles s’intéressent notamment à l’apprentissage. Pour la positionner dans la galaxie des sciences, là où la sociologie s’intéresse aux relations entre et au sein des groupes humains, les sciences cognitives zooment sur le fonctionnement de l’individu."

Comment les apprentissages se mettent t'ils en place chez les élèves ?

"Voici une description très schématique. La première fois que l’élève va être exposé à cette information, une « trace » va être créée dans notre mémoire à court terme. C’est la phase d’encodage. Au départ, cette trace est fragile. Elle se renforcera chaque fois que l’élève se rappellera
de cette connaissance et passera dans notre mémoire à long terme. C’est la phase de consolidation.

C’est un cercle vertueux : plus une trace est forte, plus il est facile de s’en rappeler. À l’inverse, si l’élève ne mobilise pas ou très peu cette connaissance, la trace va peu à peu se dissiper. Cette trace n’est pas isolée : dès sa création, elle est connectée à d’autres connaissances en mémoire. Par exemple, si l’on apprend que l’eau bout à 100°, on va connecter cette trace à d’autres faits sur l’eau (« l’eau gèle en dessous de 0° », « l’eau = H2O ») mais aussi à des « épisodes » de notre vie plus ou moins pertinents (« j’étais assise en cours à coté de Safiah pendant le cours sur l’eau », « quand j’ai mis un couvercle sur ma casserole, l’eau a bouilli plus vite »). Ces connexions sont autant de chemins qui permettent d’accéder à cette trace. Plus on mobilise une même connaissance dans différents exercices, différents contextes, plus la trace sera connectée à un grand nombre de connaissances, plus il sera facile de s’en rappeler !"

À quoi les neurosciences peuvent-elles servir au quotidien à l’école ?

"J’aime bien comparer l’enseignant.e à un.e médecin. Le médecin s’appuie sur différents travaux scientifiques pour aboutir à la meilleure prise en charge possible de son ou sa patiente. Il n’ira pas trouver des recettes magiques dans les journaux scientifiques, mais il sera capable de comparer les pratiques entre elles, de choisir les plus efficaces et d’avoir des éléments pertinents pour comprendre la personne auquel il ou elle fait face.

Les sciences cognitives vont jouer le même rôle pour l’enseignant.e : lui recommander les pratiques les plus efficaces et lui donner une grille de lecture de son quotidien pour les adapter à ses élèves (« tiens, cette activité pourtant recommandée dépasse les ressources attentionnelles de mes élèves les plus faibles... je devrais l’adapter ! »).

Comme en médecine, ces recommandations proviennent d’études scientifiques : les pratiques recommandées ont été testées directement en classe et comparées les unes aux autres. Très concrètement, il a par exemple été montré que les pédagogies par pure découverte, où l’élève doit construire lui-même son savoir, sont moins efficaces, spécialement pour les élèves en difficulté, que les pédagogies plus guidées. L’enseignant peut ainsi savoir que toutes choses égales par ailleurs, mieux vaut donc privilégier ces dernières. Pour autant, cela ne veut pas dire qu’il faille jeter les pédagogies par découverte à la poubelle. Si l’enseignant pense qu’elles ont un avantage dans une situation donnée (élèves avec une très faible confiance en eux, envie de transmettre le processus de la découverte scientifique), les sciences cognitives lui donnent une compréhension fine du fonctionnement de l’attention, de la mémoire pour pouvoir adapter cette pratique et la rendre efficace.

En l’occurrence, le problème des pédagogies par découverte est qu’elles demandent à l’élève de faire trop de choses en même temps : se concentrer sur les notions à savoir, mais aussi s’organiser à court et long terme, se donner des objectifs, superviser l’efficacité d’un processus qu’il ou elle ne connaît pas, etc. Il suffit donc de renforcer le guidage apporté par l’enseignant.e, d’expliciter les objectifs sous-jacents au lieu de les faire deviner pour améliorer leur efficacité.

On parle de pratiques pédagogiques, mais cela concerne même l’organisation de l’école. Il a été montré que l’adolescence et ses bouleversements hormonaux décalent le cycle de sommeil : un.e adolescent.e a besoin de se lever plus tard et de se coucher plus tard. Des études montrent que, quand le collège ou le lycée décale les emplois du temps d’une heure ou d’une demi-heure, les élèves de cet âge dorment mieux et apprennent mieux. Enfin, d’autres études concernent des problématiques plus « sociales » : impact des environnements familiaux sur les ressources cognitives, renforcement des apprentissages chez les élèves les plus en difficulté..."