Dyspraxie et dysgraphie : Les troubles de la motricité à l’école.

Les troubles de la motricité ont des impacts sur les gestes du quotidien et notamment à l’école où ils rendent l’écriture, le découpage ou encore les mathématiques compliquées. Ces difficultés se traduisent par la lenteur, le manque de précision et parfois par un défaut d’anticipation. Comment aider les élèves à besoins spécifiques pour compenser ces troubles, surmonter leurs défis et arriver à poursuivre sereinement leur scolarité ?  

Apprendre mobilise de nombreuses compétences cognitives et se construit progressivement. Cependant cela peut devenir un véritable défi lorsque l’élève présente des troubles spécifiques des apprentissages qu’on appelle troubles dys- car il résulte d’un dysfonctionnement chez un individu qui a par ailleurs des compétences intellectuelles normales. Quels sont les troubles qui compliquent la motricité ? Comment accompagner ces élèves « dys-férents » dans leur parcours scolaire ? Françoise Clairet et Emilie Martin, orthophonistes, spécialistes des difficultés d’apprentissage et autrices de plusieurs méthodes de lectures pour Hachette Education, partagent leur expérience, vous donnent des pistes de réflexion et des outils concrets.  

Cet article s’inscrit dans une série dédiée aux troubles de l’apprentissage. L’objectif n’est pas d’aider les enseignants à poser un diagnostic mais d’apporter un maximum de connaissances sur ces différents troubles, leurs implications et les moyens de compensation à mettre en place pour les élèves concernés. Retrouvez également Françoise Clairet et Emilie Martin dans ce webinaire consacré à la question.  

Qu’est ce que la dyspraxie et la dysgraphie ?  

La dyspraxie : définition 

La dyspraxie est un trouble de la coordination motrice qui affecte la planification et l’exécution des gestes complexes, intentionnelles et finalisés, sans être liée à des troubles intellectuels ou neuromoteurs. Malgré un contexte souvent stimulant, les élèves dyspraxiques présentent des caractéristiques telles que la lenteur, le manque de précision, un défaut d’anticipation et une utilisation inefficace des contrôles visuels et proprioceptifs. Ces difficultés se traduisent par un retard psychomoteur, une maladresse marquée et des problèmes de construction d’actions ou de tâches.  

Les différentes dyspraxies 

Il existe plusieurs types de dyspraxie, chacun ayant des spécificités propres.  

  • La dyspraxie constructive, par exemple, impacte les activités nécessitant des gestes précis comme la construction, le dessin ou encore l’habillage.  

  • La dyspraxie visuo-spatiale se manifeste par des difficultés à analyser visuellement l’environnement et à se repérer dans l’espace.  

  • La dyspraxie idéatoire complique la planification des gestes complexes nécessaires pour utiliser des objets ou réaliser des actions élaborées.  

  • La dyspraxie idéomotrice, quant à elle, perturbe l’exécution de gestes sans objets, comme mimer ou effectuer un mouvement sur demande.  

  • Enfin, la dyspraxie motrice concerne l’enchaînement des gestes, entraînant une maladresse importante dans les tâches du quotidien. 

La dysgraphie : définition 

La dysgraphie est un trouble spécifique de l’écriture qui affecte la qualité, la lisibilité et la fluidité du geste graphique, sans être lié à un déficit intellectuel ou neurologique. Ce trouble se manifeste par une écriture lente, peu lisible, souvent irrégulière, et s’accompagne parfois de douleurs ou de fatigue. Tous les enfants dyspraxiques présentent une dysgraphie, ce qui accentue encore leurs difficultés face à l’écriture. Les élèves dysgraphiques rencontrent des difficultés à gérer l’espace sur la feuille, à respecter les alignements et les proportions des lettres, ce qui peut compliquer la prise de notes et les travaux écrits. 

Les conséquences des troubles de la motricité 

Les conséquences en classe  

En classe, les troubles de la motricité se traduisent par de la lenteur, une difficulté dans la motricité fine (dessin, découpage, collage…) et une autonomie réduite par rapport aux autres enfants. Ces défis se répercutent sur différents domaines d’apprentissage, comme la lecture. Les élèves dyspraxiques ont des difficultés pour contrôler et coordonner les mouvements de leurs yeux, ils auront du mal à suivre une ligne ou à se repérer dans un texte, ce qui entraînera une lenteur, une fatigue notable et des sauts de ligne fréquents qui compliquent la compréhension des textes.  

Les difficultés motrices, vont également entraîner des complications au niveau des acquisitions mathématiques. Ils auront du mal à coordonner leurs gestes pour dénombrer une petite quantité et le comptage sur les doigts ne sera pas très opérationnel à cause de la difficulté à dissocier leurs doigts. Aussi, il sera difficile pour ces élèves de poser une opération, d’aligner les chiffres les uns sur les autres et d’effectuer tous les balayages visuels nécessaires pour une multiplication à deux chiffres. Pour finir, l’utilisation des outils tels que la règle, le compas ou encore l’équerre sera également un défi pour eux au quotidien.  

Sur le plan méthodologique, l’organisation en général est également impactée. L’élève peut éprouver des difficultés à s’y retrouver dans son cahier de texte, son emploi du temps ou dans ses documents de cours.  

Les conséquences à la maison 

Les difficultés rencontrées en classe se répercutent à la maison car les élèves se retrouvent à apprendre les leçons sur des supports illisibles ou incomplets.  

Les enfants dyspraxiques rencontrent beaucoup de difficultés pour les gestes de la vie courante, il faut donc s’ajuster aux obstacles de l’enfant. Pour finir, l’estime de soi est très affectée ce qui entraîne des répercussions sur la vie sociale. 

Les aides à l’apprentissage de la motricité 

Pour aider à l’apprentissage des habiletés motrices en maternelle il peut y avoir des aides verbales et des aides proprioceptives.  

Un enfant dyspraxique bénéficie souvent d'aides verbales pour réaliser des actions comme le dessin ou le découpage. Associer l'activité à une comptine peut l’aider à mieux coordonner ses mouvements. Il est également conseillé de décomposer les apprentissages en plusieurs étapes. Par exemple, pour le découpage, commencer par apprendre à ouvrir et fermer les ciseaux, puis à progresser tout en découpant. 

Les aides proprioceptives constituent un précieux soutien pour les élèves dyspraxiques. En cas de contrôle visuel limité, le recours au contrôle proprioceptif permet à l'enfant de mieux percevoir les limites. Par exemple, les coloriages en velours, avec leurs contours en relief, aident l’enfant à ne pas dépasser. 

Les aides à l’apprentissage de l’écriture 

Pour aider l’apprentissage à l’écriture, les élèves dyspraxiques sont aidés par la verbalisation lors de l’acquisition des gestes de l’écriture. Prenons l’exemple de la lettre A : on peut leur décrire ses formes en disant "une lune, un bâton et un sourire" pour les aider à la tracer.

Les aides au repérage sur la feuille 

Pour aider au repérage sur la feuille, il existe du matériel qui permet d’aider en cas de troubles visuels. 

  • Aides visuelles et sémantiques : Les lignes de couleur vert, rouge et bleu, fournissent un cadre à l’élève pour qu’il puisse se repérer. Vous pouvez retrouver cette méthode sur le site du Cartable fantastique.  

  • Aides kinesthésiques : Il existe également des feuilles avec des lignes en relief qui ont le même objectif. 

Les aides à l’apprentissage de l’orthographe 

Pour l’apprentissage de l’orthographe, trois aides différentes (sémantique, verbales et morphologiques) sont détaillées dans le chapitre sur la dysorthographie que vous pouvez retrouver dans cet article.  

Les aides à certaines acquisitions mathématiques  

Pour aider à certaines acquisitions mathématiques, notamment le dénombrement, il est important de proposer dès le plus jeune âge des situations de manipulation avec des gros objets qui permettent de construire des représentations mentales sur lesquels ils s’appuieront.  

Concernant le dénombrement, trois méthodes sont possibles :  

  • Utilisation de supports qui comportent des alternances de couleurs.  

  • Permettre à l’élève de faire du comptage d’objets physiques en les plaçant dans une boîte.  

  • Faire barrer les éléments au cours du dénombrement sur une feuille.  

Pour faciliter l’apprentissage des tables et des techniques opératoires :  

  • On peut s’appuyer sur le verbal ou sémantique pour aider à mémoriser les tables d’addition ou de multiplication.  

  • On peut utiliser des gabarits.  

  • On peut également utiliser une procédure ritualisée de pose d’opération en passant par le verbal. 

Les aménagements pour compenser les troubles de la motricité 

Tout l’enjeu des moyens de compensation va être de proposer aux élèves dyspraxiques des supports leurs permettant d’accéder et d’être évalués sur les mêmes compétences que les autres élèves. Cependant il faut utiliser des moyens différents. 

Limiter l’écrit 

Quelles que soient les aides à l’apprentissage employées pour certains élèves, l’entraînement intensif à l’écriture ne permet pas de rattraper le décalage, cela peut donc conduire à un épuisement inutile. 

Compenser la dyspraxie en maternelle

  • Pour toutes activités qui nécessitent de colorier des éléments, nous pouvons leur demander de seulement faire un point de couleur.  

  • Pour écrire leur prénom, il est possible de leur demander de surligner parmi une liste de prénoms ou de surligner les lettres pour composer leurs prénoms. 

Compenser la dyspraxie en primaire et au collège 

  • Proposer des exercices à trous 

  • Leur permettre de surligner des réponses 

  • Proposer la dictée à l’adulte.  

  • Donner les supports écrits des cours pour que l’élève ne soit pas en double tâche et qu’il puisse écouter.  

  • Proposer le tutorat d’un autre élève qui pourra accompagner l’élève dyspraxique dans l’organisation.  

  • Proposer un modèle à copier près de lui pour qu’il n’ait pas à faire des allers-retours au tableau. 

Autres moyens de compensation pour les élèves dyspraxiques 

  • Réduire la quantité : le fait d’accorder plus de temps n’est pas toujours possible, il faut donc opter pour une réduction de la quantité.  

  • Adapter la présentation : il faut aérer les supports, limiter les distracteurs visuels et favoriser des supports bien contrastés. 

  • Adapter la forme des exercices 

  • Adapter les supports de lecture : augmenter la taille de la police, la taille de l’interligne, alterner les couleurs entre chaque ligne… 

  • Adapter les supports de mathématiques : pour comprendre la numérotation positionnelle, pour aider au comptage sur les doigts, pour repérer les centaines, dizaines et unités, pour poser les opérations…  

Les outils d’adaptation pour les élèves dyspraxiques 

Beaucoup d’outils à usage scolaire sont difficiles à manipuler, il existe de nombreuses adaptations qui rendent leur utilisation plus facile.  

  • Afin d’aider à avoir une bonne posture, on peut placer un marchepied sous les pieds de l’enfant ou bien un élastique qui va permettre de stabiliser le bas du corps et de libérer le haut du corps, ce qui facilite la motricité fine.  

  • Pour aider à manier le stylo, certains embouts sont disponibles pour une meilleure prise, il est également possible de maintenir le stylo à l’aide d’un élastique.  

  • Il existe également pour l’utilisation de la règle, des règles avec poignées ou des règles ergonomiques. Ainsi que des outils adaptés pour le matériel de géométrie.  

  • Les règles de lecture, qui permettent de compenser les difficultés dues aux troubles visuels et qui améliorent le balayage visuel.  

  • Utiliser une calculatrice pour les calculs posés qui entraînent une fatigabilité importante.  

  • L’utilisation d’un Timer visuel  

  • Le plan incliné peut faciliter la lecture et l’écriture. 

Les outils numériques pour les élèves dyspraxiques 

L’ordinateur est l’aide qui est systématiquement préconisée en cas de dyspraxie pour pallier la dysgraphie. Pour autant, si l’usage de l’ordinateur s’avère indispensable notamment au collège, sa mise en place nécessite un apprentissage rigoureux.  

L’élève doit d’abord apprendre à l’aide d’un ergothérapeute le clavier, apprendre le classement des cours, l’organisation des dossiers…L’AESH aura un rôle indispensable pour permettre à l’élève d’apprendre à utiliser son ordinateur. 

Aujourd’hui, l’utilisation d’un smartphone peut également être utile car il peut avoir un scanner intégré qui permettra à l’élève de surligner et modifier directement le document mais également l’utilisation de l’agenda ou du Timer. 

Pour finir, il existe également des souris scanner ou des stylos scanner qui seront très utiles pour la lecture d’un document. 

Des outils pour les enseignants 

Afin d’aider les enseignants, il existe sur le site Cartable Fantastique des supports permettant une adaptation des exercices.  

Il existe également la chaîne YouTube de Josiane Caron Santha, une ergothérapeute qui a conçu des vidéos présentant des astuces pour aider les enfants dyspraxiques à développer des compétences.  

Pour conclure, il n’est pas indispensable d’attendre un diagnostic pour mettre en place des aides et des aménagements pour un élève en difficulté. Chaque élève ayant un profil unique, il n’existe pas d’approche universelle pour les accompagner. L’observation et l’adaptation sont essentielles pour identifier les solutions les plus adaptées à leurs besoins, y compris lors des évaluations, où ces aides doivent être maintenues pour garantir des conditions équitables.